Le pouvoir de la joie

Publié le 25 Septembre 2017

 

La joie est une émotion vitale, indispensable à notre équilibre, mais encore faut-il savoir la reconnaître, la faire jaillir et la cultiver! Spécialiste de la question, la psychothérapeute Isabelle Filliozat, auteure d’un ouvrage sur le sujet, nous éclaire.
 

C'est un dimanche midi comme les autres. Stéphanie est en train de préparer des crêpes pour sa petite famille, qui s’amène dans la salle à manger. Des éclats de rire fusent, et voilà que tout à coup, elle ressent un grand bien-être. Une sorte de plénitude fulgurante. Bref, une bouffée de joie. Il lui arrive aussi d’éprouver le même sentiment pendant ses entraînements à la course à pied, au cours de ses virées de shopping avec ses copines ou lors de ses promenades en pleine nature, seule ou bras dessus, bras dessous avec son amoureux. Bref, Stéphanie ressent cette joie que nous sommes tous en mesure de ressentir en pareils moments. Tous, sauf ceux qui sont devenus étrangers à eux-mêmes, affirme la psychothérapeute française Isabelle Filliozat.

Passionnée par le monde des émotions depuis près de 40 ans, l’auteure prolifique et conférencière était récemment de passage à Montréal. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de la parution de son 19e livre, Les chemins de la joie (JC Lattès), qu’elle a écrit afin de nous fournir les clés d’accès à l’allégresse. Car «envahi comme on l’est par des sollicitations extérieures de toutes sortes, il arrive qu’on perde contact avec soi-même et qu’on n’arrive plus à ressentir de joie», dit-elle.

 

 

 

Être sur la route

Mais d’abord, qu’est-ce que la joie? Comment se manifeste-t-elle? «Sensation d’allégresse, légèreté, chaleur dans le haut du corps: la joie est une émotion et une réaction physiologique de notre organisme, explique l’auteure. C’est elle qui nous donne envie de sauter, de danser, de rire et de s’embrasser les uns les autres!»

C’est aussi l’émotion du sens de la vie, poursuit-elle: celle qui nous dit que nous sommes sur notre route et à notre place. «Lorsque nos actions nous permettent d’être sur notre chemin, nous éprouvons de la joie. Par exemple, il arrive qu’on fasse des choses simplement pour gagner de l’argent, ce qu’on regrette en général. Avec cet argent, on s’achètera des choses qui nous donneront du plaisir, mais finalement, on ne se sentira pas nourri dans le sens de notre vie.»

On pourrait croire que la joie s’invite chez nous quand bon lui semble, mais en réalité, elle ne daigne se montrer que lorsque certaines conditions propices à son apparition sont réunies. Être qui on doit être, c’est-à-dire en phase avec sa nature propre et ses valeurs profondes, et là où on doit être, connecté à son milieu, sont des activateurs de joie de premier plan. Ce dimanche-là, dans la cuisine, Stéphanie popotait pour les siens, et si la joie a jailli, c’est justement parce qu’elle s’est sentie intensément reliée à eux. Et ça vaut aussi pour les situations difficiles. Accompagner quelqu’un qui a un cancer, être connecté à cette personne qui souffre, lui tenir la main et se sentir alors à notre place permet de ressentir de la joie même dans le malheur.

 

 

 

Oser être soi-même

Être, appartenir et se sentir vivre nous ouvre aussi toutes grandes les portes de la joie. «Exister, fait remarquer la spécialiste, a pour origine “être debout, se dresser”. Exister, c’est donc oser: oser être moi-même pour devenir la personne que je suis, oser m’affirmer pour m’accomplir dans le sens de mes valeurs, oser emprunter mon propre chemin.»

«La joie surgit donc du contact intime avec soi-même, sans le masque ni la carapace qu’on a peut-être mis pour se conformer, pour être “la gentille petite fille” ou “la rebelle”. Aussi, poursuit Isabelle Filliozat il faut s’assurer qu’on est bien sur sa propre route et non en train de satisfaire les attentes de quelqu’un d’autre...» En effet, rien de tel que d’essayer de contenter les désirs d’autrui, que ce soit ceux de sa mère ou de son chum, pour dévier de son «moi» profond, se perdre de vue et ultimement, se priver de joie.

Qui l’eût cru! C’est du boulot, être joyeux! «Effectivement, la joie ne va pas nous tomber dessus comme ça: il faut un minimum de travail. Même que chaque fois qu’on privilégie le confort, on s’éloigne de la joie», note la psychothérapeute. Le poète Jean Cocteau ne disait-il pas: «Le confort tue, l’inconfort crée.» En l’occurrence, ce même confort est l’ennemi de la joie au sens où celle-ci n’est pas déclenchée par l’achat d’un énième sac à main, mais bien par l’accomplissement de soi. En effet, qui n’a pas connu le fameux flow, cette ivresse, cette impression de temps suspendu, qui accompagne l’atteinte d’un but par le dépassement de ses limites ou de ses certitudes? Il peut s’agir de décrocher une certification de plongée sous-marine alors qu’on a peur de l’eau ou encore d’obtenir une promotion parce qu’on a réussi à mener à bien un projet qui a exigé de nous un grand effort de volonté et de concentration.

 

 

Vivre, et pleinement!

Et qu’en est-il de ce bonheur qu’on espère, qu’on recherche et qu’on tente parfois — et en vain — d’acheter? «En fait, c’est lorsqu’on éprouve suffisamment de joie qu’on peut se dire: “Oui, je suis heureux.” Le bonheur caractérise donc un état», dit Isabelle Filliozat. La joie est en quelque sorte l’étape préliminaire du bonheur. «Le problème, c’est que plusieurs croient qu’en accumulant les plaisirs, qui sont d’ordre sensoriel, ils atteindront le bonheur, ignorant qu’il leur manque souvent une étape: la joie!»

En clair, le bonheur découle d’un cumul de moments joyeux, tandis que le plaisir relève du domaine des sensations et est, de ce fait, temporaire.

Mais sommes-nous tous égaux devant la joie? Nos antécédents ne peuvent-ils pas altérer notre capacité à être heureux? «Il est vrai que nous pouvons hériter de nos parents ou grands-parents de gènes abîmés par la maltraitance qu’ils ont subie, estime l’auteure. Autrefois, on croyait d’ailleurs qu’on n’y pouvait rien et qu’on n’avait qu’à vivre avec, mais ce n’est plus le cas. On peut “réparer” ces gènes, c’est-à-dire qu’en méditant, en bougeant, en s’alimentant bien, on peut aussi être pleinement joyeux, même si certains de nos gènes sont imparfaits.»

Outre un bagage héréditaire altéré, beaucoup d’autres facteurs, on s’en doute, peuvent plomber la joie. Ainsi, des émotions réprimées, ou encore la quête incessante de la perfection peuvent nuire à nos élans de joie, tout comme avoir conscience d’être dans le regard d’autrui et, à cause de ça, changer de comportement. «Là, on risque d’avoir de la difficulté à être joyeux, nuance l’auteure, car on devient inquiet de la façon avec laquelle on est regardé.»

Dans cette civilisation de l’instantanéité et des plaisirs faciles qui est la nôtre, la psychothérapeute rappelle que ces derniers ne font pas le bonheur, pas plus que la joie, loin de là. Au final, «le plaisir est momentané et ne nous change pas, alors que la joie, elle, donne l’impression d’être grandi». Et comme la joie est plus à notre portée que ne l’est le bonheur, soyons joyeux!

 

 

5 stratégies pour cultiver la joie

Être authentiquement soi-même, s’accomplir dans le sens de ses valeurs, entretenir un lien avec les autres sont autant de façons de faire surgir la joie. Et voici comment s’y prendre.​

 

 

  • On sort de sa zone de confort en se lançant des défis autant personnels que professionnels afin de se réaliser.
  • On médite pour entrer en contact avec soi-même et écouter la vie à l’intérieur de soi.

  • On bouge. Ce n’est pas par hasard si la course à pied est si populaire: elle procure de la joie. merci aux «hormones du plaisir du sport» que sont l’adrénaline et les endorphines!

  • On consulte un(e) psychothérapeute pour nous aider à dénouer nos émotions refoulées, qui nous empêchent d’être joyeux.

  • On privilégie les aliments riches en tyrosine comme les amandes, les avocats, les bananes, le chocolat noir, les produits laitiers entiers et le canard, qui stimulent la production de sérotonine et de dopamine, les fameuses «hormones du bonheur».

Rédigé par Régis Baillargeon

Publié dans #Psycho

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